Le terme désir a pour origine la langue augurale. Considerare signifie contempler un astre, et desiderare constater son absence ou la regretter. Desiderium, le désir, est, étymologiquement, le regret d’une chose qu’on n’a pas ou qu’on n’a plus. Depuis longtemps, nous exprimons par ce mot une tendance spontanée vers un objet dont nous souhaitons la possession, une orientation vers… Mais, orientation chargée d’un dynamisme puissant. Le désir est le réservoir d’énergie d’où procèdent nos actes. Gastons Berger disait que rien ne se fait sans désir, même un travail austère et ingrat comme celui d’écrire un livre sur l’impératif catégorique. Jusqu’à une époque récente, nous considérions cependant que la volonté raisonnable pouvait maîtriser le désir, le ratifier ou lui opposer son veto. Il y avait le cas limite, dont nous n’étions généralement pas fiers, celui devant lequel nous disions : « C’est plus fort que moi. »
La psychologie contemporaine éclairée par la psychanalyse, insiste au contraire beaucoup sur le caractère impérieux du désir qui doit être satisfait sous peine de frustration perturbante. Un des exemples les plus préoccupants est le désir d’enfant. Il suscite toutes sortes de prouesses médicales pour le satisfaire. La jeunesse trouve tout naturel de justifier ses comportements en disant : « j’ai envie », ou « je n’ai pas envie ».
Il est important de savoir reconnaître la profondeur et la légitimité de certains désirs. Admettons-nous, pour autant, un déterminisme du désir ? Ce serait une remise en cause de toute une conception de l’homme. Nous venons de le voir : il n’est pas facile de distinguer entre le désir et le besoin, de discerner le besoin légitime et vital. C’est toujours notre conception de l’homme qui est en cause. Quel est, en balance avec les exigences de notre sensibilité, le pouvoir de la volonté raisonnable pour accepter ou répudier un désir, le transformer ou non en un « je veux », et même en un « j’ai droit » ?
Isabelle Mourral, Le Sens des Mots, Editions de Paris, 1997.