Nous connaissons l’inquiétude, l’absence de tranquillité intérieure, la préoccupation, le souci. Nous sommes souvent inquiets. Peut-être le sommes-nous constitutionnellement. Saint Augustin a parlé du cœur humain inquiet, sans repos tant qu’il n’a pas trouvé le Dieu pour lequel il est fait. L’angoisse est le degré extrême de l’inquiétude, entraînant les phénomènes corporels que suggère la racine latine : resserrement.
L’angoisse a un caractère pathologique qui n’existe pas dans l’inquiétude. Elle implique des phénomènes corporels : une sensation d’oppression, d’inhibition des fonctions respiratoires. Le trac du candidat à un examen, de l’acteur au théâtre, ou de l’orateur devant un auditoire important peut engendrer des phénomènes d’angoisse.
Ce sont les philosophes et les psychiatres qui sont à l’origine de la généralisation de l’emploi du mot. Les existentialistes ont utilisé angoisse pour désigner l’état de la conscience qui se trouve, pour décider de son existence, en présence d’une liberté que rien n’éclaire. Pierre Janet a étudié l’angoisse en psychiatre, comme une peur maladive devant l’action toujours insatisfaisante.
La banalisation actuelle du mot angoisse lui enlève son sens précis. La substitution contemporaine de l’angoisse à l’inquiétude amène à considérer cette dernière moins comme un phénomène inséparable de notre nature et de notre condition, à accepter, à supporter ou à dominer, mais surtout à interpréter et à méditer, que comme un état pathologique nécessitant des soins et le recours à des médicaments.
Isabelle Mourral, Le Sens des Mots, Editions de Paris, 1997.