Le suicide a le plus souvent des causes multiples. Il semblerait que, quel que soit l’accès (ou l’entrée) au fantasme des idées suicidaires, le suicide, en tant qu’objet fantasmatique dominant, pose la question proprement ontologique du sens de l’être.

Le sens rime avec l’espoir. La capacité à se projeter, à travers son présent, dans un avenir imaginable, vivable. Et donc, le pouvoir de changer, d’altérer un tant soit peu, l’« offre » du présent, et de voir modifier favorablement son présent en agissant personnellement comme agent, en qualité de l’acteur ou de l’actrice, à même d’opérer ce changement estimé significatif ; et cela, maintenant, puisque imaginé dès à présent. Parce que le sens de l’être est une composition intime et complexe qui puise ses racines dans une configuration immédiate.

Le sens de l'espoir

Tout comme l’espoir, le sens se conjugue avec le pouvoir d’imaginer (faire vivre mentalement) ce changement estimé tant nécessaire, voire vital. Parce que je peux m’octroyer l’espace vitalisant, là où au moins l’un de ces éléments à même d’opérer un « soulagement » devient envisageable, s’avère plausible en soi, s’articulant réellement d’une manière concevable pour moi, insufflant par là une « bulle d’oxygène » indispensable sur le registre imaginaire. C’est cette bulle de « fraîcheur » qui devient propice à renouveler, à animer l’espoir, opérant par sa présence une modification, jugée imminente, car primordiale.

L’espoir secret, c’est de pouvoir le faire. Faire advenir. Faire émerger. La « magie » de pouvoir penser un autre possible. L’espoir secret, c’est celui qui est apte à nourrir l’imaginaire, que des choses réalisables, présentes, car pensables dans un futur proche, puissent être imaginées, et d’emblée habitées, mentalement habillées sur-mesure. Cela octroie à l’individu la force requise de pouvoir conduire le changement nécessaire, catalysant par-là l’amélioration de son champ de possible.

L'espoir d'insuffler un sens

Où réside le secret de l’espoir ? C’est peut-être de savoir comment l’alimenter régulièrement, avec du sens, du sens mis à l’ordre du jour présent.

Le sens de l’être est l’ingrédient vital, hautement subjectif et intime, éclectique et rudimentaire, que ce soit sur le plan affectif ou cognitif. Je panse la plaie du présent avec le sens puisé de ce que je ressens. Matière intelligible : je traduis en sens ce que je vis, y compris ma souffrance. Voilà l’oxygène qui entretient et alimente l’espoir de faire émerger du possible, et de rendre intelligible et plus sensé aujourd’hui comme demain.

Le possible advient. Et cela émerge, tout comme le sens qu’il induit se manifeste, là, au sein d’une typologie très particulière. C’est l’espace-temps personnel. Un huis clos unique, habité et animé par l’individu, le même qui est en proie aux pressions internes et externes, celles qui se font tant ressentir au for de sa conscience. D’où émane le flux des pensées discontinues. Celles qui donnent à son présent sa texture si particulière, et souvent si familière. Et d’ailleurs, l’impression, là où le sens règne, d’un vécu façonnable pour soi, par soi, et ancré profondément en soi – imaginé car imaginable. Un socle ancré au champ des possibles, où se greffe une certaine forme, limitée, certes, de contrôle – la possibilité de choisir. Cela est l’essence même de l’espérance, le souffle de la vie qui nous tire en avant.